Le loup aux portes de l'Est de l'Allemagne

Le succès stupéfiant de l'AfD à deux élections régionales en Allemagne de l'Est est un signal d'avertissement clignotant à tous les démocrates allemands à la fois pour répondre aux préoccupations de leurs concitoyens orientaux et pour prendre conscience de la menace que le parti fait peser sur la démocratie libérale alors qu'il devient ouvertement plus radical, fait valoir Constanze Stelzenmüller. Cet article a été initialement publié dans le Financial Times
Lors de la réunification de l'Allemagne de l'Ouest et de l'Est en 1990, l'ancien chancelier Willy Brandt a déclaré à une foule enjouée que maintenant ce qui appartient ensemble va grandir ensemble ». Près de 30 ans plus tard, il semble que l'inverse se produise.
Pièce A: l'émergence de l'alternative d'extrême droite pour l'Allemagne, dont le programme du parti décrit l'ordre constitutionnel allemand comme une situation illégitime. » Ses dirigeants affirment régulièrement qu'ils sont les seuls véritables porteurs de flambeau de la révolution pacifique de 1989. Et alors que nombre d'entre eux sont nés en Allemagne de l'Ouest, ses plus grands succès électoraux se situent à l'est.
L'AfD a été créée en 2013 par des eurosceptiques critiquant le sauvetage de l'Allemagne en Grèce après la crise financière mondiale. Alors que la crise diminuait, le mouvement a failli s'effondrer. L'arrivée de près d'un million de réfugiés en 2015 l'a aidé à se transformer en un parti nationaliste xénophobe. Il a obtenu des sièges dans tous les parlements des États et a obtenu 12,6% des voix lors des dernières élections fédérales d'octobre 2017, devenant le principal parti d'opposition face à la grande coalition de la chancelière Angela Merkel.
Au niveau national, l'AfD fait entre-temps entre 12 et 15% dans les sondages. Pourtant, les moyennes cachent une nette fracture. Dans les 11 États occidentaux, il a culminé à environ 15% au plus fort du débat national sur l'immigration, et se stabilise désormais à moins d'un sur dix de tous les électeurs.
Mais dans les cinq États de l'Est - l'ancienne Allemagne de l'Est communiste -, cela représente le double ou plus. En fait, il est en concurrence pour être le pouvoir politique dominant à l'est.
Le 1er septembre, l'AfD a obtenu une étonnante deuxième place en deux élections nationales, obtenant 27,5% des voix en Saxe et 23,5% dans le Brandebourg. En Thuringe, qui votera le 27 octobre prochain, les sondages ont l'AfD au coude à coude avec le parti au pouvoir Die Linke. Ce dernier, successeur du parti communiste est-allemand, est en train de devenir la force politique locale de l'est. L'AfD semble le remplacer.

Ceci est d'autant plus remarquable que, alors que Die Linke a déjà remporté des suffrages grâce à une résolution pragmatique des problèmes, l'AfD a obtenu de mauvais résultats dans les assemblées législatives des États et les gouvernements municipaux. Il a peu à dire sur les questions de politique. Au lieu de cela, il a été consommé par des luttes intestines publiques vicieuses, dans lesquelles la faction de l'aile dure du parti a rapidement pris le dessus.
Andreas Kalbitz, l'un des dirigeants de Wing, a des liens de longue date avec des extrémistes de droite, des identitaires et des néonazis au pays et à l'étranger. L'an dernier, Björn Höcke, l'homme le plus influent de l'AfD en Thuringe et l'un de ses principaux idéologues, a déclaré à la réunion nationaliste: La question pour nous aujourd'hui, chers amis, n'est pas d'être un marteau ou une enclume, mais un mouton ou un loup. Et moi, chers amis, je dis que nous décidons: le loup. » Beaucoup d'Allemands reconnaîtraient cela comme une allusion à une célèbre citation du ministre de la propagande d'Adolf Hitler, Joseph Goebbels: Nous ne venons pas en tant qu'amis, ni en tant que neutres. Nous venons comme ennemis! Nous venons comme le loup qui fait irruption dans le troupeau! »
Qu'est-ce qui fait qu'un quart des Allemands de l'Est votent pour un tel parti? Pas l'économie: les données ainsi que les sondages d'opinion montrent que l'écart est-ouest se réduit. Pas l'immigration: l'afflux incontrôlé de migrants a depuis longtemps cessé, et sur le million de personnes admises en 2015, la plupart se sont installées dans les États occidentaux.
Les causes de l'aliénation orientale sont plus profondes et certains méritent plus d'empathie qu'ils n'en obtiennent. Les Orientaux sont plus susceptibles de dire que les Allemands de l'Ouest sont trop dominants dans la politique et les affaires et qu'ils se sentent comme des citoyens de seconde zone.
De nombreux Orientaux plus âgés, moins éduqués ou qualifiés se sentaient laissés pour compte par les millions de personnes qui se sont déplacées vers l'ouest après la réunification à la recherche d'une vie meilleure - ou condescendus par les occidentaux qui se sont déplacés vers l'est pour fermer les usines et reprendre le fonctionnement des institutions. Plus de quelques-uns ont estimé que les migrants syriens en 2015 ont été accueillis plus chaleureusement qu'en 1989. Et beaucoup craignent que l'accélération du changement social ne change leur vie pour le pire.
Mais il y a aussi des raisons plus sombres. Les Allemands de l'Est expriment un plus grand scepticisme à l'égard de la démocratie libérale et du capitalisme de marché. Les sondages de sortie en Saxe ont montré que près des trois quarts des personnes interrogées ont voté pour l'AfD à cause de leurs idées, pas malgré elles.
À ce stade, l'AfD se révèle pleinement comme un parti radicalement autoritaire déterminé à rien de moins qu'un changement de régime. Un vote pour cela n'est un vote de protestation que dans le sens où l'AfD est un parti de protestation contre la démocratie libérale et une société ouverte. Les démocrates allemands de toutes les tendances politiques doivent répondre d'urgence aux préoccupations légitimes de leurs concitoyens orientaux. Mais il est également temps pour tous les électeurs allemands de réaliser que les loups sont à la porte.